Texte rédigé par Jean-Paul DEROIN, président du Consortium USTH, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars 2024).
Evelyn Lord Pruitt (1918-2000) est une scientifique qui mérite d’être connue. C’est à elle que l’on attribue la création d’une expression importante en sciences : « remote sensing », traduite en français par « télédétection ».
Pour comprendre l’importance de cette « invention », il convient de replacer la vie de E. L. Pruitt dans son contexte, c’est-à-dire la plus grande partie du XXème siècle. Elle est née en 1918 à San Francisco, dans une famille de marins depuis plusieurs générations. Elle s’oriente vers la géographie physique (elle était également intéressée par la météorologie et la géologie) et obtient ses diplômes universitaires en 1940 (Bachelor) et 1943 (Master) à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA). Attirée par le milieu océanique (sans doute par atavisme) elle intègre dès 1942 l’United States Coast and Geodetic Survey (USC&GS), un des ancêtres de la célèbre National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) qui le remplacera en 1970. En 1948, E. L. Pruitt rejoint l’Office of Naval Research (ONR) basé à Washington dont elle deviendra la directrice des programmes de géographie. Elle se consacre notamment aux travaux sur l’érosion côtière et comprend vite l’importance que vont prendre les données acquises par les satellites dans les études environnementales. En 1956, Evelyn L. Pruitt s’exprimant à l’occasion d’un congrès de géographes au Canada disait en parlant de la géographie :« This is still predominantly a man’s field, but it is a most attractive one for women and there is plenty of room for more ».
À la fin des années 1950, les premiers satellites artificiels font leur apparition. Aux États-Unis, Explorer 7 lancé par la NASA le 13 octobre 1959 est le premier succès dans le domaine des satellites scientifiques. Il recueille des données sur l’environnement spatial et permet la toute première mesure du bilan radiatif terrestre. Dans ce contexte, Evelyn L. Pruitt se rend compte que l’expression « aerial photographs » (photographies aériennes), adaptée aux prises de vue depuis des avions ou des ballons, n’est pas satisfaisante pour des acquisitions beaucoup plus lointaines et qui nécessitent une phase de traitement plus élaborée. Elle propose l’expression « remote sensing » (télédétection) le « remote » s’appliquant autant à la distance qu’à l’éloignement méthodologique. Dès 1961 un programme du département de Géographie de l’Office of Naval Research (ONR) intitulé « Interpretation of Aerial Photographs » est renommé « Remote Sensing of the Environment ». Le terme « remote sensing » n’apparait pas dans un texte largement publié, mais dans un document interne à l’ONR, écrit avec l’aide de W. H. Bailey un des membres du département de géographie. Comme quoi des éléments importants peuvent aussi être retrouvés dans les white papers et la grey literature…
Evelyn L. Pruitt fut aussi la première présidente de la Coastal Society, trésorière de la Society of Women Geographers et éditrice de Professional Geographer (Association of American Geographers). Après sa retraite en 1973, elle resta consultante pour l’Armée. Elle contribua également à la création du Coastal Studies Institute à l’Université d’État de Louisiane basé actuellement à Bâton-Rouge.
Text written by Jean-Paul DEROIN, President of the USTH Consortium, on the occasion of International Women’s Rights Day (8 March 2024).
Evelyn Lord Pruitt: the origins of remote sensing
Evelyn Lord Pruitt (1918-2000) is a scientist who deserves to be remembered. She is credited with coining an important scientific term: « remote sensing ».
To understand the importance of this ‘invention’, we need to put E. L. Pruitt’s life in context, i.e. for most of the 20th century. She was born in 1918 in San Francisco, into a family that had been sailors for several generations. She studied physical geography (she was also interested in meteorology and geology) and obtained her university degrees in 1940 (Bachelor’s) and 1943 (Master’s) from the University of California at Los Angeles (UCLA). Attracted by the ocean environment (no doubt by atavism), she joined the United States Coast and Geodetic Survey (USC&GS) in 1942, one of the forerunners of the famous National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), which replaced it in 1970. In 1948, E. L. Pruitt joined the Washington-based Office of Naval Research (ONR), where she became director of geography programmes. She devoted herself in particular to work on coastal erosion and understood the importance that data acquired by satellites would take on in environmental studies. In 1956, Evelyn L. Pruitt, speaking at a conference of geographers in Canada, said of geography: « This is still predominantly a man’s field, but it is a most attractive one for women and there is plenty of room for more ».
At the end of the 1950s, the first artificial satellites appeared. In the United States, Explorer 7, launched by NASA on 13 October 1959, was the first success in the field of scientific satellites. It collected data on the space environment and enabled the very first measurement of the Earth’s radiation balance. Evelyn L. Pruitt realised that the term « aerial photographs », suitable for images taken from aircraft or balloons, was not satisfactory for much more distant acquisitions, which required a more elaborate processing phase. She came up with the term « remote sensing », where « remote » refers to both distance and methodological remoteness. In 1961, a programme of the Geography Branch of the Office of Naval Research (ONR) entitled « Interpretation of Aerial Photographs » was renamed « Remote Sensing of the Environment ». The term « remote sensing » did not appear in a widely published text, but in an internal ONR document, written with the help of W. H. Bailey, one of the members of the Geography Branch. Which goes to show that important elements can also be found in white papers and grey literature…
Evelyn L. Pruitt was also the first president of the Coastal Society, treasurer of the Society of Women Geographers and editor of Professional Geographer (Association of American Geographers). After her retirement in 1973, she remained a consultant to the Army. She also helped set up the Coastal Studies Institute at Louisiana State University, now based in Bâton Rouge.